Vous avez le bonjour d’Ernest

Vous avez le bonjour d’Ernest

Bonjour !

Ma vie de SDF ne m’a laissé que peu de souvenirs heureux ou dignes d’être racontés. Mais vous serez surpris d’apprendre que tout a changé le jour où je me suis gravement blessé.

Je me souviens d’une large plaie à l’épaule, si profonde qu’on apercevait l’os. En boitillant, je me suis approché de la porte-fenêtre d’une maison entourée d’un jardin. Deux dames aussitôt se sont apitoyées sur mon sort. « Oh ! Le joli chat ! Mais il est blessé ! » Mais mon instinct sauvage et la douleur de ma blessure ne leur ont pas permis de m’attraper. Toutefois, on m’a apporté de l’eau et de quoi me restaurer et j’ai pu me reposer dans un coin du jardin, l’estomac plein. Pendant plusieurs jours, sans souci pour ma nourriture, j’ai passé le plus clair de mon temps à lécher mon épaule. Et le miracle a eu lieu : la plaie s’est refermée et peu à peu mon beau poil roux a repoussé.

Vous voyez : plus aucune trace de ma blessure !

Mes bienfaitrices m’ont expliqué qu’elles ne pouvaient m’héberger car, à la manière des oiseaux migrateurs, il leur arrivait de s’envoler à l’autre bout du monde une ou deux semaines. Mais elles m’ont assuré le boire et le manger et elles ont même eu l’idée géniale de me faire fabriquer une niche, rien que pour moi, juste à côté de la porte d’entrée, bien tapissée de journaux et de couvertures.

Évidemment, j’aurais préféré rentrer bien au chaud, mais c’était impossible. Alors, quand il faisait froid, j’allais faire un tour dans le sous-sol de leur voisine Fabienne ou même partager un goûter avec les jolies chattes de madame Lerat. Quel nom étrange pour une si gentille dame qui m’avait surnommé « le gros rouquin » !

Mais mon nom, c’est Ernest. Pourquoi, me direz-vous ? Facile ! L’une de mes bienfaitrices a remarqué que, bien que très beau, j’avais l’air un peu grognon. Elle a dit : « Il a toujours l’air bougon, on dirait mon oncle Ernest ! » Le nom m’est resté !

Vous trouvez vraiment que j’ai l’air bougon ?

Quels joyeux moments j’ai passés dans ce joli jardin ! D’abord, il est plein d’oiseaux et moi j’adore chasser. Et puis, dans un jardin on jardine, on sarcle, on taille, on arrose, on cueille. Autant d’occasions d’avoir de la compagnie. Et c’est très amusant de se rouler dans l’herbe, de faire pipi dans la terre fraîchement retournée et de courir après les papillons. Et quelles siestes mémorables au soleil sur le gravier chaud ! ou à l’ombre du grand cèdre ! ou au milieu des dahlias qui sortaient de terre !!!

Mes deux amies aiment jouer au ping-pong. Dès que j’entendais la balle rebondir sur la table, j’arrivais à toutes pattes pour arbitrer. Quand la partie durait trop longtemps, il m’arrivait de tourner autour de leurs pieds ou même de sauter sur la table. Et quand elles rangeaient leurs raquettes, j’étais toujours le premier arrivé à la porte. Mais jamais je n’ai pu rentrer : c’était le contrat.

Évidemment, il y avait les jours de tristesse : lorsque je voyais sortir les valises et fermer les volets alors que le soleil allait se lever, je comprenais vite que le temps de l’absence était venu. Il m’est arrivé de tenter de les dissuader de partir : monté sur la poubelle, je les regardais d’un air de reproche. Ou bien, alors que la barrière se fermait, grimpé sur le petit muret, je prenais mon petit visage triste pour les apitoyer. Mais rien n’y faisait…

Dans cette maison, j’ai aussi rencontré deux amis pour la vie : un neveu et un ourson en peluche. En plus des heures de jeu et des disputes pour rire, c’était des bavardages interminables. Et quand ils partaient en voyage, jamais ils n’oubliaient de m’adresser une carte postale pour calmer mon impatience et me raconter à leur manière leurs petites aventures.

Voici une carte de mon ami l’ours en peluche

On dit que les chats ont neuf vies, mais moi, je n’en avais qu’une. Heureux mais très âgé et malade, un soir, je suis venu leur dire adieu et merci, avant de m’éloigner dans la nuit. Le lendemain matin, mes amies ont fini par me retrouver, tapi sous la haie, attendant ma dernière heure. Le vétérinaire n’a rien pu faire. Je me suis endormi dans leurs bras.

Mais au Paradis des Chats, j’ai retrouvé tous les félins qui m’ont précédé dans leur cœur. Et de là-haut, je continue à observer mes amies et à les protéger.

Et parfois, profitant d’un arc-en-ciel, il m’arrive de me laisser glisser pour les voir de plus près !…

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